L’artisanat du cuivre, développé par les orfèvres dinandiers au cours des siècles derniers, essentiellement à Kairouan et à Tunis, a donné naissance à divers objets et ustensiles qui, pendant des siècles, étaient incontournables dans les cuisines tunisiennes avant de disparaître, remplacés par des ustensiles plus modernes.
Au-delà de sa dimension religieuse et spirituelle qui donne la part belle à l’invocation du divin, le mois de Ramadan offre l’occasion aux ménagères de donner libre cours à leur talent culinaire. Dans les cuisines des foyers, c’est une explosion de saveurs qui viennent titiller les papilles durant ce mois saint. Afin de magnifier les mets qui vont joliment agrémenter la table de l’Ifar à l’heure de la rupture du jeûne, nos grands-mères avaient l’habitude de ressortir, quelques jours avant le mois de Ramadan, leurs ustensiles en cuivre afin de les étamer pour qu’ils retrouvent leur éclat.
Avant d’être remplacé par le Tefal, le cuivre, matière noble, a trôné, en effet, pendant des siècles en maître dans l’antre des maisons traditionnelles, suspendu aux murs et aux plafonds des cuisines et rehaussant les repas pris en famille durant le mois saint.
Au XVIIe siècle, les dinandiers rivalisaient de créativité pour créer une large gamme d’ustensiles en cuivre à dimension aussi bien utilitaire que décorative. Ils faisaient obligatoirement partie du trousseau de la mariée et l’accompagnaient durant la majeure partie de son temps passé en cuisine, contribuant à faire d’elle un véritable cordon-bleu grâce à la cuisson parfaite des mets. Ces ustensiles, qui ont pour particularité d’avoir une longévité remarquable —en plus de son savoir-faire culinaire, la fille héritait de sa mère ses ustensiles en cuivre—, chaque objet a une fonction bien précise, note Alya Hamza dans son livre «Savoir-faire des territoires».
Pièce maîtresse de la fameuse douzaine de la mariée, «une batterie de cuisine comprenant une série de marmites de différentes tailles, à couvercle conique, qui occupait à elle seule toute une pièce», lit-on dans le livre «Savoir-faire des territoires», le couscoussier en cuivre sert à préparer un des mets les plus connus de l’Afrique du Nord : le fameux couscous décliné sous diverses formes : couscous aux fruits secs, couscous au poisson, à la viande…
D’autres objets en cuivre, qui ont été remplacés aujourd’hui par des objets que les jeunes femmes trouvent plus faciles et plus pratiques à manipuler, figuraient également dans le trousseau de la mariée, à l’instar du «tbak», un plateau en cuivre dans lequel on disposait les feuilles de brik, le «mehrez», mortier en cuivre qui sert à moudre les épices utilisés pour la préparation des mets et l’indispensable «zazoua» qui donne au café turc son goût si savoureux et si particulier et d’où s’échappent des effluves qui embaument l’air et enivrent les sens.
Si quelques jeunes femmes nostalgiques veillent à préserver cette tradition en ressortant la vaisselle en cuivre de leurs grands-mères et de leurs mères durant le mois de Ramadan, aujourd’hui, ces objets ont quasiment disparu des cuisines tunisiennes. Quelques accessoires en cuivre font encore partie de notre patrimoine et ont pu résister à la modernité, à l’instar du mrach, des plateaux et services de thé et de café martelés et du fameux brasero brûleur d’encens.